C'est une Haute Route au menu 2019. Une Haute Route Impériale même, parce que c'est un raid qui longe la couronne impériale des sommets de 4000m du Valais, autour de Zinal: Bishorn, Weisshorn, Zinalrothorn, Matterhorn, Ober Gabelhorn, Dent Blanche (cherchez l'intrus). Cela faisait un moment que je souhaitais m'entraîner à nommer les xxxx-horn (sommets), les xxxx-gleetscher (glaciers), et les xxxx-tal (vallées) de Suisse, notamment depuis une visite ancienne sur le Besso. L'occasion s'est présentée grâce à Arnaud qui cherchait un cobaye pour compléter son groupe de skieurs et pouvoir effectuer son pélerinage annuel sur les planches (merci Arnaud). Tout cela s'est fait sous la direction sans faille, joyeuse et très agréable d'Eric notre guide (son site internet).
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En ces temps de réchauffement climatique et de recul des glaciers, j'ai trouvé salutaire pour mon moral d'aller en parcourir des énormes, plein de crevasses, de seracs, de glace et de neige. Orgie de blanc donc. Surtout après avoir déchanté l'an dernier en ayant vu celui qui est carré sur la Meije, qui est réduit à peau de chagrin, et qui est gris. Les glaciers du Valais sont donc de très bons candidats! La voilà la recette: des glaciers et des rösti suisses, mon moral ne pourra qu'en bénéficier. Il fallait aussi une équipe soudée, complémentaire et aux multiples talents: un guide (Eric), un moniteur de skis (PO), un médecin (Jean), quelqu'un qui parle allemand (Miriam), un porteur de fromages et de saucisson (Arnaud) et un photographe (ouam). Si avec ça on n'y arrive pas...
J1: Route jusqu'à la station de Saint-Luc, dans la vallée de Zinal, d'où l'on prend les remontées jusqu'au sommet (Bella Tola) pour redescendre dans le vallon de Turtmann. Les esthètes du ski de rando critiqueront cet usage du câble et de la cabine pour écourter l'étape, mais je leur rappelle qu'Arnaud avait du fromage et du saucisson à transporter, et moi une corde. Donc bon. La remontée à la cabane de Tourtemagne (Turtmannhütte) s'est faite dans les conditions habituelles d'un premier jour de raid: trop chaud, mal aux épaules, mal aux pieds, la neige elle est trop molle, etc. Point positif: les chaussettes ne sentent pas encore mauvais. A la cabane, première rencontre avec un groupe d'Ecossais que nous côtoierons toute la semaine. L'avantage avec les britanniques, c'est qu'ils sont souvent calmes et peu bruyants (dans les refuges, pas dans les pubs), comme j'aime. Petite anecdote, dans le groupe se trouvait Rick Allen (piolet d'or 2013 pour son parcours hallucinant de l'arête Mazeno au Nanga Parbat, en 18 jours avec Sandy Allan; et plus récemment, sauvé l'an dernier sur le Broad Peak à l'aide d'un drone).
J2: Journée top moumoute, en direction du Üssers Barrhorn, avec mes ingrédients préférés: départ pas trop matinal, dénivelé modeste (1100m), ciel bleu, neige fraîche, sac léger (aller-retour depuis le refuge), et panorama de dingue au sommet. Seul Eric (le guide) peut tous les citer. Normal on le paye! :-) Pas sûr d'avoir vu Chamechaude par contre.
J3: Après un point météo qui annonce une mauvaise météo pour le lendemain, on annule le Brunegghorn pour filer directement au Bishorn. Grosse journée donc. Nous y ferons preuve d'une gestion du timing exceptionnelle puisque le sommet se bâche 20 minutes avant notre arrivée, c'est con. Monter à 4151m pour ne rien y voir, je sais le faire au pic Saint-Michel! Pour ce qui est de la descente, on la fait au GPS d'une part, et en suivant un groupe de l'ENSA (une brochette de guides donc) d'autre part. C'est très pratique. Nuit à la cabane de Tracuit.
J4: Météo pas terrible, mais pas si pire. Direction la cabane d'Arpitetta en passant par la crête de Milon. Comme la visibilité est finalement correcte, on en profite pour faire un détour et aller contempler la face vraiment impressionante du Weisshorn. Nous retrouvons au refuge le groupe d'écossais, calme et silencieux. Ainsi qu'un groupe de 20 belges. Moins calmes et moins silencieux...
J5: La journée cochée sur l'agenda depuis le début! Eric nous avait annoncé que nous traverserions un glacier aux gouffres insondables, dans lequel l'un d'entre nous ne manquerait d'ailleurs pas de tomber, que nous aurions à parcourir une arête plus effilée qu'une lame d'Opinel, et qu'il faudrait absolument invoquer les esprits du ski de rando pour avoir une chance de passer. Bon, comme vous avez pu le constater, l'hiver 2019 c'est plein de neige, donc pas de crevasses, arête débonnaire, tout le monde a la banane et nous arrivons sur le Blanc de Moming tranquilou. Là nous pouvons contempler l'impressionante face Nord de l'Ober Gabelhorn, et apercevoir rapidement le Cervin. Et comme si cela ne suffisait pas à notre bonheur, nous arrivons à la cabane du Grand Mountet à l'heure pour (enfin) manger des rösti!
J6: Pas de col Durand finalement, nous optons pour le Trifthorn, un petit sommet très esthétique qui domine la cabane et qui jouit d'ailleurs d'un micro-climat particulier: -15° à la rimaye et 40 km/h de vent au sommet. Personne ne se plaint mais tout le monde a froid. Ensuite c'est la très longue descente sur Zinal. C'est le dernier jour, je me retourne régulièrement pour un dernier coup d'oeil à la Dent Blanche. Cette longue descente permet de passer en douceur des glaciers à la vallée, du rythme si particulier d'un raid à la réalité.