Au menu ce printemps, le tour de la Meije dans le massif des Ecrins, skis aux pieds. La recette est simple et connue : du soleil, de la neige en abondance, des paysages splendides et une compagnie agréable. Avec seulement deux de ces éléments vous passez déjà un bon moment, alors quand vous avez les quatre… Une fois n'est pas coutume, je vais me répandre en mots. Pardonnez la rugueur de ma prose, je suis débutant. Pour les impatients qui ne veulent voir que les photos, cliquez sur l'image, pour les téméraires qui veulent lire le récit, lisez la suite.
Les dieux du ski de printemps ont donc été cléments avec nous, voir même généreux. Après des semaines de météo difficiles (et particulièrement mauvaise les week-ends), l’anticyclone s’est installé la veille de notre départ, et a montré ses premiers signes de faiblesse le soir de notre dernière journée de raid. J’ai cru bien voir un nuage passer depuis la terrasse du Promontoire, mais je ne suis plus très sûr. En bref, tempête de ciel bleu, de neige blanche et de granit orangé. Si les Ecrins avaient un drapeau tricolore, ça serait ces trois couleurs là. Quand on pratique le ski de randonnée, les autres conséquences indéniablement positives de cette météo ensoleillée, outre qu’elle vous colle la banane du soir au matin, c’est : le très bon regel nocturne malgré l’isotherme qui est resté au-dessus de 3000m ; la neige de printemps parfaite ; la nivologie sûre avant midi ; enfin la très bonne visibilité et donc la possibilité de voir Chamechaude très souvent. Pour un grenoblois, ça compte.
En préparation de ce raid, Andrea a proposé plusieurs options possibles (7 je crois, ce mec est un topo de ski de rando avec deux bras et deux jambes). J’ai fait mine d’hésiter mais je vais vous avouer que j’ai déjà oublié les 6 autres options car j’avais déjà choisi la première à la seule évocation de son nom : le tour de la Meije. Il a en plus décrit succinctement le parcours avec quelques mots clés qui ont fini de faire chavirer mon esprit : refuge du Promontoire, brèche de la Meije, refuge de l’Aigle, d’Adèle Planchard, col de Casse Déserte, etc. Pour remettre dans le contexte, ça fait 20 ans que j’en entends parler, que je les vois parfois de loin, que je lis des compte-rendus qui mentionnent tous ces lieux, et que je rêve d’y passer un jour. Ne me demandez pas pourquoi ces noms sonnent à mes oreilles comme des destinations lointaines, presque imaginaires. Ne me demandez pas pourquoi certains massifs me sont si chers. Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas. C’est irrationnel. Bref, j’aime les Ecrins (et aussi la Chartreuse d’ailleurs), et pourtant je n’y vais pas très souvent. Et voilà qu’Andrea me propose le tour de la Meije ! Nous voilà donc partis pour 6 jours au départ de la Bérarde.
J1 : aller-retour dans le vallon des Etages. Après l’accès à la Bérarde (j’ai horreur de cette fichue route), moi qui croyais que depuis le hameau des Etages on ne pouvait que partir plein nord pour monter à la Dibona, et bien non, il existe un vallon très esthétique, rectiligne comme un coup de crayon, qui s’étire en direction de la Pointe du Vallon des Etages, et qui se prête très bien au ski de rando. Nous l’avons parcouru sans but précis, peut-être aller au col sous la Cime de Clot Châtel, mais rien de sûr. Mais des purges incessantes des faces Est nous ont assez rapidement mis sur nos gardes avant qu’une nouvelle purge monstrueuse seulement entendue (dont nous avons appris ensuite qu’elle avait bloqué la route de la Bérarde) nous fasse faire demi-tour immédiatement. Bref, 700m de balade dans un vallon magnifique. La descente a été bien merdique dans une neige vraiment pourrie, ne laissant présager rien de bon pour la suite, mais finalement le très beau temps de jours suivants a permis un regel bien meilleur. Nous avons aussi pu peaufiner nos tenues pour la suite : orange et bleu, assorties aux paysages. Nuit au refuge CAF de La Bérarde, très agréable avec ses chambres (c’est mieux qu’un dortoir) et sa tartiflette de rigueur. J’en profite pour noter qu’Andrea ne ronfle pas : parfait, je vais garder son numéro de téléphone.
J2 : montée au refuge du Promontoire. Pas grand-chose à dire : à la Bérarde tourner à gauche, partir plein Nord et s’arrêter quand ça se redresse. Vous devriez tomber sur le refuge, planté dans l’arête de rochers. Si vous ne le trouvez pas, insistez un peu, ça serait con de rater le punch servi par les gardiens. Et je n’ai même pas trouvé le vallon des Etançons trop long, c’est dire si j’avais le coeur léger. Une fois au refuge, portés par notre élan, allégés du fardeau des sacs à dos, nous avons fait du rab et redescendus 500m de moraine pour profiter de la neige de printemps millésimée. Un régal. Ensuite c’est une après-midi en refuge classique : paysages de rêve, chaussettes qui puent, lecture des Alpi-Rando des années 80, repérage du parcours qui mène aux toilettes (pour savoir s’il y a une chance d’y aller la nuit sans se vautrer en Crocs dans le noir). Et le bonheur simple d’être là, maintenant.
J3 : direction le plan de l’Alpe de Villar d’Arène. Une journée que j’attendais impatiemment, avec le passage de la brèche de la Meije, le parcours sous la face Nord de la Meije (lsous le Z et le Gravelotte), le Serret du Savon, refuge de l’Aigle, puis la descente du glacier de l’Homme, et enfin la remontée à l’Alpe. Dans le tour de la Meije, c’est l’étape reine. Dans ma tête aussi. Tout s’est passé sereinement, ce qui m’a permis de profiter des paysages pleinement. Le nouveau refuge de l’Aigle est magnifique, et la descente du glacier de l’Homme a très bien ponctué cette journée. Et la cerise sur le gâteau, c’est la découverte du très récent Chalet-Refuge de Chamoissière : Andrea avait eu l’intuition d’y réserver deux nuits, et bien lui en a pris. Le chalet a été rénové superbement, avec des matériaux nobles et locaux (réutilisation d’anciennes charpentes, pierres du torrent, etc.), les chambres sont cosy et adaptées aux familles (pour l’été), on dispose de l’eau chaude, l’accueil est super agréable par le gardien (Seb, une boule d’énergie), cuisine excellente et en quantité. On a adoré !
J4 : les Agneaux à la journée. Après avoir dormi comme des bébés (on ne soulignera jamais assez les bienfaits d’une douche chaude après 3 jours de ski de printemps), et préparé des sacs tout légers, nous partons faire les Agneaux par la voie normale. Sur le papier c’est simple, dans les faits c’est long (c’est toujours comme ça d’ailleurs, jamais l’inverse). Notamment le passage du petit col à 3261m, qui ne ressemble à rien sur la carte, mais qu’il faut désescalader à l’aller et remonter au retour. J’ai bien dû y lâcher quelques jurons d’ailleurs. Mais la perspective de dormir à nouveau au chalet de Chamoissière m’a botté le cul toute la journée.
J5 : montée au refuge d’Adèle Planchard et Grande Ruine. Bon, il a bien fallu remplir à nouveau les sacs à dos et quitter notre palace 5 étoiles. Mais ce n’était qu’un détail face à la perspective de parcourir le vallon de la Plate des Agneaux et enfin de « monter à Adèle »**. Ensuite, aller-retour à la Grande Ruine depuis le refuge. Alors la Grande Ruine c’est pas mal comme panorama, ça ne vaut pas Chamechaude™, mais c’est pas mal. Le refuge aussi est très accueillant et posé dans un cadre somptueux. Il paraît que la gardienne Noémie le quitte cet été et prend le refuge de la Selle. Donc maintenant, pour les meilleurs fondants au chocolat du pays, il va falloir se taper le vallon de la Selle. C’est malin…
** [l’expression « monter à Adèle », dans mon imaginaire, était synonyme de « grosse bavante dans la caillasse », et donc un vrai pélerinage, un sacerdoce même qui élèverait mon esprit. Ça m’apprendra à lire des topos d’alpinisme d’été. En fait en skis, c’est tip-top.]
J6 : retour à la Bérarde par le col de Casse Déserte. En ski de printemps on lit toujours qu’il faut commencer par les faces Est et finir par les Ouest pour des raisons nivologiques. Et du coup on se tape des levers à 4h du matin. Alors je comprends bien les principes qui sous-tendent ces recommandations, mais quand même commencer de temps en temps par une face Ouest (comme la descente de Casse Déserte) permet de se lever le dernier du dortoir et y allumer la lumière pour se préparer tranquille, de déjeuner à son rythme, de mettre 30 minutes pour faire son sac à dos si on veut. Tous ces petits plaisirs que l’on n’a pas eus les jours précédents. C’est quand même vachement sympa… jusqu’à ce qu’on amorce les premiers virages de descente sur une neige regelée. Pas terrible, du début à la fin. Voir même vraiment pénible. En même temps c’est un bon test qui m’a permis de voir que mes plombages tiennent encore bien, et mes chaussettes aussi. Arrivés à La Bérarde on se dépêche de partir avant que la route ne soit fermée (purges dangereuses pendant l’après-midi) et on file à Bourg d’Oisans pour manger une glace de ce fameux glacier dont Andrea m’a parlé pendant 6 jours… A part que le glacier est remplacé par une banque (un assureur en fait je crois, mais c’est pareil). Voilà, il fallait bien qu’il nous arrive un malheur pendant ces 6 jours. La chance a filé et les dieux du ski de rando ont détourné de nous leur regard bienveillant. Merci quand même. Et Merci Andrea.
PS : vous aurez bien compris que je me suis régalé. Vous me pardonnerez donc de n’avoir pas su trier efficacement mes images et d’en avoir gardé un nombre exagérément élevé dans la galerie.